Lettre ouverte – Prince George

Monsieur le Maire Yu :

Je vous écris pour vous faire part de mes vives inquiétudes concernant le nouveau règlement que le conseil municipal étudie en vue d’établir un campement central de personnes en situation d’itinérance à Moccasin Flats. Le processus et la proposition ne sont pas conformes aux normes internationales en matière de droits de la personne et je vous demande instamment, ainsi qu’au conseil, d’explorer d’autres solutions tout en garantissant un engagement significatif avec les résidents du campement, dont la majorité sont autochtones. Ce faisant, je demande instamment au conseil municipal de faire respecter les droits inhérents des Autochtones, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).

Je souhaite attirer votre attention sur les obligations de la ville en matière de respect, de protection et de mise en œuvre des droits de la personne des résidents des campements. La Loi sur la stratégie nationale sur le logement (2019) reconnaît que le logement est un droit humain fondamental et qu’il est essentiel à la dignité inhérente et au bien-être de chacun. Je tiens à souligner que toutes les municipalités canadiennes ont la responsabilité de faire respecter les droits de la personne de ceux qui vivent dans des campements.

La loi a également créé le mandat du défenseur fédéral du logement, qui doit notamment veiller au respect du droit à un logement convenable au Canada et examiner les problèmes systémiques liés au logement.

Le chef régional de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique a déjà demandé à Prince George d’adopter une approche consultative et respectueuse des résidents du campement de Moccasin Flats. Étant donné que près de 70 % des personnes en situation d’itinérance de Prince George sont autochtones, ce règlement aura un impact disproportionné sur les populations autochtones. Les actions de la ville doivent respecter l’esprit de réconciliation et les engagements pris dans les lois fédérales et provinciales relatives à la mise en œuvre de la DNUDPA, et éviter le déplacement forcé des peuples autochtones de leurs terres et territoires.

Le 23 février, j’ai lancé un examen sur les campements de personnes en situation d’itinérance au Canada. Cet examen offre un cadre permettant aux résidents des campements, aux défenseurs des droits et à tous les ordres de gouvernement de partager leurs points de vue et de travailler ensemble à l’élaboration de recommandations visant à assurer la promotion et la protection des droits des personnes vivants dans des campements. L’examen repose sur l’hypothèse que tous les ordres de gouvernement ont un rôle à jouer dans la recherche de solutions et la mobilisation des ressources nécessaires. L’examen sera également l’occasion de promouvoir l’application des principes des droits de la personne contenus dans le protocole national pour les campements de sans-abri au Canada Note de bas de page 1.

Je crains que le règlement proposé ne risque d’aggraver la situation. Je note également que le droit international relatif aux droits de la personne indique clairement que les expulsions forcées de campements, y compris le fait de forcer des personnes à se déplacer d’un campement à un autre, constituent une violation des droits de la personne, y compris des droits des autochtones, conformément à la DNUDPA.

Conséquemment à ce que j’ai appris pendant et après ma visite à Prince George en août 2022, je vous demande, ainsi qu’au conseil municipal, de :

  1. Voter contre la proposition de règlement actuelle et explorer d’autres solutions;
  2. Reconnaître les droits distincts des peuples autochtones, en particulier des Premières Nations et des Métis de la Colombie-Britannique, et les inclure dans l’élaboration des politiques relatives aux campements;
  3. Entreprendre un processus significatif d’engagement avec les résidents du campement, l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique et d’autres parties prenantes avant d’adopter toute décision qui les affecte;
  4. Fournir aux résidents des campements un accès aux services de base tels que l’eau potable, les installations sanitaires, l’électricité et le chauffage;
  5. Ne pas mettre l’accent sur le recours aux forces de l’ordre comme principale réponse aux campements.

Je reconnais que les campements de personnes en situation d’itinérance posent de nombreux problèmes complexes aux municipalités. Les solutions exigent que les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent avec les municipalités et leur fournissent des ressources afin que le logement soit abordable, accessible et adapté à chacun. L’adoption d’une approche fondée sur les droits de la personne constitue la meilleure feuille de route pour trouver des solutions durables tout en respectant la dignité humaine des personnes sans domicile. En attendant, je vous encourage, membres du conseil et employés de la ville, à prendre connaissance du protocole national et à en appliquer les principes dans vos rapports avec les campements de personnes en situation d’itinérance.

Je serais heureuse d’avoir l’occasion de poursuivre le dialogue et d’examiner comment mon bureau et l’examen en cours peuvent contribuer à la mise en œuvre à Prince George d’une approche des campements fondée sur les droits de la personne.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de mes sentiments distingués,

Marie-Josée Houle
Défenseure fédérale du logement

C. c. :
Maire et conseil municipal

Walter Babicz, directeur municipal
Ville de Prince George

Adam Davey, directeur de la sécurité publique
Ville de Prince George

Terry Teegee, chef régional
Assemblée des Premières Nations de la Colombie britannique

Date modifiée: