Prioriser les personnes plutôt que les profits, la clé pour tirer un trait sur la crise du logement

Lettre d’opinion publiée dans Le Devoir le 7 septembre 2023.

Rédigée par Marie-Josée Houle, défenseure fédérale du logement au Canada.

Le débat national sur le logement auquel nous avons assisté cet été a été très animé et pour cause : la crise du logement au Canada a atteint des proportions catastrophiques, et ne cesse de s’aggraver.

Maintenant que son nouveau cabinet est en place, le gouvernement fédéral peut se concentrer à nouveau sur la lutte contre la crise du logement, et il reçoit beaucoup de conseils et avis sur la manière d’y arriver.

Une chose est certaine : nous ne pouvons pas compter sur le marché privé pour résoudre cet enjeu.

Le gouvernement fédéral doit prendre les choses en main et créer des logements qui priorisent les droits fondamentaux des personnes au logement plutôt que les profits. Pour nous sortir de la crise du logement, il faut absolument miser sur les logements hors marché.

Si nous sommes dans cette situation, c’est en partie parce que le Canada a mis fin à son programme de logement social dans les années 1990. En se retirant, le gouvernement espérait que le marché privé prendrait le relais et construirait davantage de logements – plus ils seraient nombreux, moins ils coûteraient cher.

Cela n’a toutefois pas donné le résultat escompté.

Un récent rapport de la ville de Montréal révèle qu’aucun promoteur privé n’a respecté un règlement municipal demandant d’intégrer des logements sociaux ou abordables dans les nouvelles constructions. Ils ont tous préféré payer une amende.

Certains affirment que les gouvernements doivent rendre la construction de nouveaux logements plus attrayante pour les promoteurs, les entreprises et les grands propriétaires.

Cependant, l’utilisation de fonds publics pour créer des incitatifs sans conditions pour le secteur privé est loin d’être la solution. Les taux d’intérêt préférentiels, les allégements fiscaux et les exonérations de frais n’ont fait que contribuer aux profits des sociétés privées au détriment de la majorité des Canadiens et Canadiennes.

Cela ne signifie pas que le marché privé n’a pas sa place dans la construction de logements au Canada. Mais tout investissement de fonds publics doit générer un bien public.

Les fonds publics doivent être consacrés à des logements hors marché – logements coopératifs, sans but lucratif et publics – qui sont abordables et accessibles en permanence.

Selon un récent rapport de la Banque Scotia et l’Accord national sur le logement, il faut augmenter l’offre de logements hors marché de 655 000 unités – ce qui doublerait notre stock de logements locatifs subventionnés, qui passerait de 3,5 % à 7 % de l’ensemble des logements.

C’est un bon début, mais si nous voulons résoudre cette crise une fois pour toutes, 4,2 millions de logements doivent être des logements hors marché. Cela représenterait 20 % de toutes les unités de logement au Canada. Le gouvernement devra prévoir des investissements dans ce secteur afin de maintenir cette proportion à long terme.

L’explication est simple. Selon une analyse des besoins en logement au Canada, menée par l’experte en logement Carolyn Whitzman, 20 % des ménages ont des revenus si faibles que le niveau d’accessibilité dont ils ont besoin est inférieur à 1 050 $ par mois.

À terme, l’objectif est de mettre en place un système de logement durable, où les coopératives d’habitations et les logements à but non lucratif constituent un choix intéressant, car elles ont quelque chose à offrir à tout le monde.

Pour y parvenir, il est essentiel d’adopter une approche fondée sur les droits de la personne qui fait passer les personnes avant les profits. Nous devons faire du logement un bien sûr, sain et abordable pour tous, qu’il s’agisse d’étudiants, de nouveaux arrivants ou de personnes à faibles revenus. Nous devons aussi faire du logement pour les personnes en situation de handicap, les personnes âgées et les familles une priorité. Et ces logements doivent rester abordables en permanence.

Tous les niveaux de gouvernement ont un rôle à jouer dans le financement des logements hors marché. Le gouvernement fédéral a également la responsabilité de montrer la voie à suivre.

Pour commencer, l’ensemble des programmes de la Stratégie nationale sur le logement, dont le financement s’élève à 82 milliards de dollars, doit changer de cap pour donner la priorité aux logements hors marché. Le gouvernement fédéral devrait également créer un fonds pour permettre aux fournisseurs de logements hors marché et autochtones d’acheter, de réparer et d’exploiter des bâtiments existants. Enfin, il devrait assujettir le financement des infrastructures fédérales à des conditions imposant la création de logements hors marché dans les nouveaux projets immobiliers. Maintenant, pour que notre système de logement fonctionne dans l’intérêt de tous, le gouvernement doit prioriser les droits de la personne plutôt que les intérêts privés.

Pour cela, il faut faire passer les personnes avant les profits.

Il faut respecter le droit fondamental au logement.

Et il faut augmenter l’offre de logements hors marché.

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