Crise du logement au Canada : le budget 2023 rate la cible

Suite à la publication du budget fédéral 2023 le 28 mars, la défenseure fédérale du logement du Canada, Marie-Josée Houle, fait la déclaration suivante :

Le 31 mars 2023 – Ottawa, Ontario – Bureau du défenseur fédéral du logement

Le budget fédéral qui vient d’être dévoilé est d’une cruelle déception. Il passe complètement à côté de la crise du logement la plus pressante que le pays n’ait jamais connue. Le budget est avare d’idées nouvelles et l’argent frais alloué pour le logement est nettement insuffisant. Il ne fait même pas mention de la crise de l’itinérance. C’est tout simplement inacceptable.

Les sommes allouées dans le budget sont nettement insuffisantes pour endiguer la vague de perte de logements et d’itinérance qui déferle sur le pays. Le budget ne respecte pas non plus l’engagement du Canada en faveur du droit fondamental au logement et n’évoque même pas le principe voulant que le logement soit un droit de la personne.

Récemment, le Canada a réaffirmé son engagement envers le droit fondamental à un logement adéquat. Mais ce ne sont pas que de vaines paroles. Elles viennent avec des responsabilités. Elles exigent du gouvernement fédéral qu’il consacre des ressources financières tangibles pour veiller à ce que ce droit de la personne soit respecté pour tout le monde. Or, ce budget fédéral a failli à sa mission.

En omettant d’investir adéquatement dans le logement, le budget 2023 laisse pour compte les peuples autochtones, ainsi que les femmes, les personnes noires et racisées, les personnes handicapées, les membres de la communauté 2ELGBTQI+ et autres groupes défavorisés, qui sont les plus durement touchés par la crise du logement et de l’itinérance.

Réfléchissez à ceci :

Pas de logement adéquat, pas de santé.

Pas de logement adéquat, pas de réconciliation.

Pas de logement adéquat, pas de sécurité pour les femmes, les filles et les personnes bispirituelles.

Pas de logement adéquat, pas de santé mentale ni de rétablissement de la toxicomanie.

Pas de logement adéquat, pas d’équité entre les sexes, de justice raciale ni d’inclusion.

Malgré tout, dans son budget le gouvernement se contente d’allouer au logement un montant de 4 milliards de dollars sur sept ans, à compter de 2024-2025, pour mettre en œuvre une stratégie sur le logement des Autochtones en milieux urbain, rural et nordique élaborée avec des partenaires autochtones. Il s’agit certes d’un investissement bienvenu qui fait suite à des années de revendications de la part d’organismes dirigés par des Autochtones. Mais si on le compare à la demande du Conseil national du logement, qui réclame 6,3 milliards de dollars sur deux ans à partir de 2022-2023, ce financement arrive trop peu et trop tard.

Dans la dernière année, les défis auxquels les Canadiens et Canadiennes ont été confrontés n’ont fait que s’accentuer : l’inflation et les taux d’intérêt sont en hausse, la perte de logements abordables s’accélère et les nouveaux arrivants au Canada se heurtent à des obstacles démesurés dans l’exercice de leur droit à un logement adéquat.

Le budget 2023 ne prévoit aucune mesure pour améliorer la Stratégie nationale sur le logement, malgré la conclusion de la vérificatrice générale que cette stratégie n’entraînait pas de diminution mesurable du nombre d’itinérants chroniques. À l’heure actuelle, la Stratégie est loin d’atteindre ses objectifs de réduire de moitié les besoins impérieux de logement et d’éliminer l’itinérance d’ici 2030, et elle ne répond pas aux besoins des peuples autochtones et des groupes défavorisés. Dans ce budget fédéral, il manque des investissements indispensables dans les programmes de la Stratégie, tels que :

  • Un financement accru et à long terme de l’Initiative de logement rapide, le programme le plus efficace de la Stratégie pour la création de nouveaux logements abordables et accessibles aux personnes qui en ont le plus besoin;
  • La création d’un nouveau fonds d’acquisition pour permettre aux municipalités, aux organismes à but non lucratif et aux coopératives d’acheter des logements et de rénover les bâtiments vieillissants, afin de préserver l’offre de logements abordables, d’accroître les possibilités de logement hors marché et de contrer la financiarisation du logement;
  • Une augmentation de l’allocation canadienne pour le logement, pour aider les gens à faire face à l’inflation et à garder un toit au-dessus de leur tête;
  • La création de nouveaux fonds pour le programme « Vers un chez-soi », afin d’aider les municipalités à fournir des abris et des services aux personnes en situation d’itinérance.

Le budget 2023 n’aborde pas non plus les problèmes systémiques majeurs qui affectent le droit fondamental au logement au Canada. Il n’y a aucune mention de l’itinérance ni aucune promesse d’aide pour les personnes qui endurent des conditions déplorables dans les campements. Bien qu’il exprime des inquiétudes quant à la financiarisation du logement au Canada, le budget n’introduit aucune nouvelle mesure pour y remédier.

Chacune de ces lacunes du budget 2023 montre qu’une refonte de la Stratégie nationale sur le logement est nécessaire et vite, afin que les 82 milliards de dollars déjà investis dans la Stratégie puissent faire une réelle différence dans la vie des Canadiens et Canadiennes.

La Stratégie nationale sur le logement modifiée doit :

  • Offrir de meilleurs logements aux personnes autochtones, quel que soit l’endroit où elles vivent.
  • Faire en sorte que les programmes soient conçus pour répondre aux besoins des personnes vivant dans des logements inadéquats et sans-abri, et veiller à ce qu’ils donnent des résultats mesurables pour les personnes qui en ont le plus besoin, y compris les groupes prioritaires de la Stratégie.
  • Donner la priorité au développement et à l’acquisition d’une offre de logements abordables en permanence et offrant une valeur communautaire.
  • Démontrer le rôle de leader du gouvernement fédéral et une approche coordonnée pour impliquer les gouvernements à tous les niveaux dans la résolution de la crise du logement.

Mon travail au cours de l’année à venir consistera à faire en sorte que la discussion reste centrée sur le logement en tant que droit de la personne et à mettre en évidence les liens entre le logement et d’autre questions essentielles, comme la santé mentale, l’approvisionnement en drogues illicites, l’absence d’une approche ACS+ en matière de logement, ainsi que la violence et les inégalités fondées sur le genre.

Je continuerai également à me faire l’écho des partenaires autochtones en ce qui concerne les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) et la protection de l’enfance autochtone, et à revendiquer des investissements massifs dans les postes les plus importants l’année prochaine, afin que le Canada puisse considérer le budget de cette année comme une rampe de lancement pour traiter de manière appropriée la question du logement en tant que droit de la personne.

Le Gouvernement du Canada doit passer de la parole aux actes et honorer ses obligations en matière de droits de la personne, mettre fin à l’itinérance et placer le droit à un logement adéquat au cœur de la politique économique et sociale.

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